Mergims, la startup rwandaise qui révolutionne le transfert d’argent

Il n’y a encore pas si longtemps que cela, le nom du Rwanda était systématiquement associé au génocide survenu durant les années 90. Depuis, la situation socio-économique et politique du pays s’est considérablement améliorée. Ce petit État d’Afrique de l’Est dont la population actuelle est estimée à près de 12 millions d’habitants, fait désormais office d’exemple sur le continent, de par sa position de pionnier en matière de technologies et d’innovation. Avec 83% de personnes vivant en milieu rural, le pays a affiché un taux de croissance moyen du PIB réel de 8% par an entre 2001 et 2015. Ces résultats sont le fruit de stratégies mises en place par le Gouvernement du pays, soucieux de faire de la connaissance, le fondement d’une économie reposant encore aujourd’hui en grande partie sur le secteur agricole. Afin d’y parvenir, plusieurs initiatives ont été mises en place, notamment un programme baptisé « Vision 2020 », dont l’objectif est de faire rentrer le Rwanda dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire à l’horizon 2020. Dans la même lancée, une stratégie de développement économique et de réduction de la pauvreté (Economic Development and Poverty Reduction Strategy 2 ou EDPRS2) a été déployée, avec l’objectif de faire reculer la pauvreté sous le seuil des 30% à l’horizon 2018 et d’atteindre un PIB par habitant de 1000 dollars. Conscient du potentiel de sa population composée en grande majorité de jeunes, le Rwanda a également amorcé depuis les années 2000, sa révolution numérique. Le plan INIC (Infrastructure Nationale d’Information et de Communication) à l’origine de la création d’un centre informatique national et d’un réseau national d’interconnexion à fibres optiques reliées aux câbles sous-marins internationaux, constitue l’un des prémices de cette démarche. Dans ce pays déterminé à améliorer les conditions de vie, réduire les inégalités, diminuer sa dépendance vis-à-vis de l’aide extérieure et augmenter sa compétitivité (en facilitant l’accès à l’emploi et à la formation), les efforts gouvernementaux sont soutenus par une contribution non négligeable de la diaspora à la croissance économique de son pays.

Une diaspora apportant sa pierre à l’édifice

À cause de l’exode massif occasionné par l’instabilité politique et la guerre civile qu’a connu ce pays, la diaspora rwandaise constitue l’une des communautés les plus importantes d’africains vivants à l’étranger. Si les populations fuyant notamment les zones de conflits se sont déplacées en priorité vers les pays limitrophes (Ouganda, Tanzanie, Congo et Burundi), plusieurs pays du continent tels que le Cameroun, le Gabon ou encore la Cote d‘ivoire ont aussi ouvert leurs frontières aux réfugiés rwandais. Pour des milliers d’autres familles, le choix s’est néanmoins porté vers des pays plus développés. D’après les données publiées par la Banque Mondiale, la diaspora rwandaise compte aujourd’hui près de 345.800 personnes, soit environ 3,1% de sa population.

C’est au Canada, pays qui abrite l’une des plus importantes communautés rwandaises d’Amérique du nord, que s’est installé Louis Antoine Muhire, jeune entrepreneur et créateur d’une plateforme de paiement innovante qu’il choisit de nommer Mergims pour « Markets Mergers ». Issu d’une famille de quatre enfants, Louis Antoine est né dans un village situé à l’est du « pays des mille collines ». Sa famille vit à Kigali depuis seulement quelques années lorsque le génocide éclate. À l’âge de 12 ans, le Fondateur et Directeur Général de Markets Merger Ltd rejoint alors le Canada où il restera pendant une vingtaine d’années. En grandissant, le jeune homme est régulièrement témoin de l’angoisse de ses parents, stressés à l’idée que l’argent envoyé régulièrement au pays pour les frais de scolarité de ses cousins ne soit pas utilisé à cet effet et leur soit réclamé à nouveau quelques mois plus tard.

Pour Louis Antoine, la décision de concevoir une plateforme de paiement à distance dédiée aux Africains sera également motivée par le décès de son grand-père. En effet, lorsque celui-ci tombe malade, sa famille à l’étranger tente de réunir la somme nécessaire à son traitement. Malheureusement cela prendra plus de temps que prévu et l’état de santé du malade qui s’est entre temps sérieusement détériorée, finit par lui coûter la vie, peu de temps après que la somme envoyée ne soit finalement parvenue jusqu’au Rwanda.

Plusieurs familles comme celle de Louis Antoine soutiennent financièrement leurs proches restés sur place. La Banque Mondiale estime à 128 millions de dollars US les fonds transférés de l’étranger vers le Rwanda en 2014 et à 130 millions ceux envoyés durant l’année 2015. Or, comme partout ailleurs en Afrique, les transferts d’argent réalisés via des opérateurs classiques tels que Western Union, Money gram ou encore Ria ont un coût conséquent pour les expéditeurs.

C’est donc inspiré par cette expérience personnelle et indigné par les montants dépensés en frais de transfert d’argents que Louis Antoine Muhire décide de concevoir Mergims : une plateforme de paiement permettant de régler directement en ligne des dépenses urgentes telles que les frais de scolarité, factures d’électricité, crédits téléphoniques, médicaments, etc.

Une solution pratique, abordable et rapide

Disponible via un site web dédié, Louis Antoine et son équipe ont également mis au point une application mobile, accessible sur GooglePlay et bientôt sur l’Apple store, afin d’atteindre d’avantage de clients et d’offrir plus de flexibilité.

Quelques minutes suffisent à l’utilisateur (client/expéditeur) pour se créer un profil. Il peut alors sélectionner le bien ou service de son choix ainsi que le commerçant ou la structure qui l’offre, puis rentrer le montant qu’il souhaite débourser. Une commission de 5% de la somme est alors due en guise de frais de transfert, contrairement aux Money gram ou autres Western Union qui prélèvent entre 10 et 15% à chaque transaction. Le paiement est possible par cartes bancaires (Visa, Master Card, American Express) ou encore par Paypal. La startup ne cache d’ailleurs pas ses ambitions de proposer d’ici peu sur sa plateforme, des solutions de paiement mobile très prisées en Afrique, pourquoi pas au moyen d’un partenariat avec la startup WeCashUp.

En vue de satisfaire au mieux ses 2550 clients (chiffres de juin 2016), Markets Merger Ltd a réalisé des partenariats stratégiques avec  plusieurs acteurs locaux (dont 5 des 15 universités du pays, des pharmacies…) et compte enrichir son offre à l’avenir avec la mise à disposition par exemple d’une carte prépayée à usages limités, empêchant son propriétaire d’acheter des produits réservés aux adultes. 

Connecter le marché africain au reste du monde

Mergims a reçu à la fois une reconnaissance nationale et un plébiscite au-delà des frontières rwandaises en remportant la compétition Seedstars organisée dans le pays en août 2015, ce qui lui a valu de représenter le Rwanda lors de la finale de cette compétition qui s’est déroulée cette année en Suisse. Avec des transferts d’argent vers l’Afrique subsaharienne dont la tendance à la hausse devrait se maintenir (+1% en 2015 par rapport l’année précédente, une croissance de 3,4% prévue en  2016 et de 3,7% en 2017), l’avenir de Market Mergers Ltd qui souhaite étendre ses acticités au Kenya, au Cameroun et au Ghana semble riche en opportunités, bien que son marché soit déjà occupé par de nombreux autres concurrents acteurs du cash-to-goods.

La valeur ajoutée de Mergims réside dans la garantie pour l’expéditeur que les fonds transférés soient utilisés dans un but défini à l’avance. Compte tenu de son coût abordable, auquel s’ajoutent la facilité et la rapidité des opérations de paiement, cette solution a le potentiel requis pour se positionner comme une alternative pertinente aux moyens de transfert d’argents classiques. Mergims pourrait donc voir sa vision prendre forme dans les années à venir et devenir la plateforme de référence concernant le paiement de produits et services de bases à destination de l’Afrique, pour les paiements effectués à l’intérieur comme à l’extérieur du continent.

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